♦ Auteur, il y a trois ans, d’une étude sur l’éolien mise en ligne sur Polémia, « L’arnaque de l’éolien : le pillage de la France », J. d’Antraigues, ancien élève de l’Ecole Polytechnique, fait à nouveau le point sur ce scandale.
Polémia.
1/- Présentation
Ce texte s’appuie sur une étude beaucoup plus détaillée et chiffrée, « L’arnaque de l’éolien : le pillage de la France », publiée début 2014 par Polémia en 2 parties ci-dessous référencées (1) et (2).
Ruineux pour la nation mais extrêmement profitable pour nombre d’intérêts particuliers, désastreux pour la balance commerciale, destructeur de nos paysages, même pas susceptible de réduire les émissions de CO2, ce qui est son objectif affiché, bâti uniquement sur des contre-vérités, stérilisateur de tout progrès véritable, le développement massif de l’éolien en France est un scandale d’anthologie.
Il pourra passer à la postérité comme un exemple d’école du pouvoir démesuré que peut acquérir, dans le contexte institutionnel actuel, à l’encontre de l’intérêt national (et même européen), par l’intermédiaire de la Commission européenne et avec le soutien actif des grands médias, la conjonction d’un très puissant lobby, des intérêts industriels de certains pays, le principal étant l’Allemagne, et de mouvements écologistes et d’extrême gauche plus ou moins manipulés.
Au-delà de ce qui pourrait n’apparaître que comme un gaspillage d’une ampleur inhabituelle, c’est la position privilégiée même de la France dans le domaine de la production d’électricité qui est en jeu : l’indépendance nationale, une électricité abondante, bon marché, et qui ne fait que très peu appel aux combustibles fossiles. Constatons que la France est, et de loin, le grand pays développé qui émet le moins de CO2 par habitant : moins de 6 tonnes par an, contre plus de 9 tonnes pour l’Allemagne et le Danemark, pays pilotes de l’éolien, où il a été introduit massivement dès le début des années 1990, pour des résultats qui, presque 30 ans plus tard, sont toujours décevants. Le prix de l’électricité en France est 35% en dessous de la moyenne européenne (et 45% en dessous de l’Allemagne, 50% en dessous du Danemark).
Il y a en effet incompatibilité fondamentale, comme on le verra, pour des raisons à la fois techniques et économiques, entre le maintien d’une production d’électricité essentiellement nucléaire et une injection massive sur le réseau d’électricité intermittente, qu’elle résulte de l’éolien français ou de surplus des pays voisins – en l’occurrence essentiellement l’Allemagne et l’Espagne.
On aurait tort de penser que l’objectif d’une réduction à 50% de la part du nucléaire en 2025 (loi du 17 août 2015 sur la transition énergétique), que rien de rationnel ne justifie (le seul motif qui pourrait le justifier, la sécurité, n’a nullement été invoqué), résulte uniquement de considérations idéologiques. Il correspond à des intérêts puissants, qui ne sont assurément pas ceux de la France, et il se trouve que la politique de l’Allemagne dans le domaine de l’électricité issue de sources renouvelables (développement massif subventionné et priorité à leur utilisation, conjointement à sa sortie du nucléaire) est aussi celle définie à l’échelle de l’Europe par les directives de la Commission européenne, lesquelles ont été acceptées par tous les gouvernements français successifs.
Le nucléaire français est donc directement menacé à la fois par le développement massif actuel de l’éolien français subventionné, que seule une décision politique peut stopper (un boulevard lui a été dégagé par la conjonction de la loi Grenelle 1 de 2009, qui lui a fixé des objectifs 2020 « ambitieux », et par la loi Brottes de 2013, qui a à peu près achevé de déréglementer l’implantation d’éoliennes terrestres), ainsi que par le fait que la France se retrouve impliquée, au nom de l’objectif du « grand marché européen de l’électricité », dans la délirante politique énergétique allemande.
Si à ce jour rien n’est définitivement joué, il est évident que seront décisives la volonté et la capacité effective du pouvoir politique issu des prochaines élections à faire prévaloir l’intérêt national, c’est-à-dire à prendre en tant que de besoin les distances nécessaires avec la politique de l’UE.
En ce qui concerne les programmes des principaux candidats à la présidence de la République (Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron, François Fillon et Marine Le Pen), vis-à-vis des points qui nous occupent ici :
– sur l’essentiel, les programmes de Marine Le Pen (3) et de François Fillon (4) sont très proches :
- prolongement de 40 à 60 ans de l’exploitation des centrales nucléaires existantes, et refus de la fermeture de Fessenheim ;
- pour Marine Le Pen, « moratoire immédiat sur l’éolien » ; pour François Fillon, suppression pour les nouvelles installations de l’obligation d’achat et du tarif d’achat garanti, ce qui revient au même.
– Pour les 3 autres candidats, en ce qui concerne le nucléaire, il n’y a guère de différence entre eux sur le moyen terme (réduction à 50% de la part de l’électricité nucléaire en 2025). Pour la suite Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon sont pour une sortie totale du nucléaire, plus progressive (2050 ?) pour ce dernier, Emmanuel Macron (9), prudemment, n’affichant par contre aucune hostilité particulière à son encontre : la réduction à 50% de la part de l’électricité nucléaire est simplement présentée comme résultant d’un souci de réduire une dépendance jugée excessive, sans autre précision. Ils sont tous les trois pour la poursuite d’un soutien massif au développement des énergies renouvelables (et donc en particulier pour l’éolien, qui en est le principal bénéficiaire), le nucléaire supprimé étant explicitement réputé remplacé par les nouvelles énergies renouvelables, ce qui relève de l’imposture pure et simple : il ne peut, pour l’essentiel, qu’être remplacé par du thermique, et on ne leur fera pas l’injure de penser qu’ils n’en sont pas conscients.
Outre les sources subventionnées, éolien en tête qui sans surprise attire des investeurs du monde entier, la production électrique française comporte deux « vaches à lait » : l’hydroélectricité et le nucléaire, dont les coûts marginaux de production sont très faibles ou peu élevés, qui proviennent d’installations existantes totalement ou très largement amorties, et dont les prix de revient sont donc peu élevés, ce qui permet une revente avec des bénéfices substantiels.
Les installations concernées font partie du patrimoine national, et la rente qui en est retirée doit revenir à la nation. La présente étude serait sans doute incomplète si elle ne rappelait pas les scandales qu’ont été, sous la pression de la Commission européenne :
– par la loi sur la transition énergétique de 2015, l’ouverture à la privatisation des ouvrages hydroélectriques, sans attendre la fin des concessions attribuées par l’Etat pour 75 ans (actuellement ils sont pour la plupart concédés à EDF, laquelle est propriété de l’Etat à 85% environ) : cf. par exemple (10). Notons que la docilité de la France trouve son origine dans le fait qu’elle est piégée dans l’euro : en 2013, Pierre Moscovici, alors ministre des Finances (et futur commissaire européen aux Affaires économiques et financières), avait explicitement proposé cette privatisation en échange de la bienveillance de la Commission vis-à-vis des dépassements budgétaires de la France : voir (10) et (11). Pour le moment, toutefois, rien n’a été fait ;
– la loi Nome de 2010, qui impose à EDF de revendre à son coût de revient ¼ de son nucléaire « historique » aux « fournisseurs » d’électricité concurrents. On trouvera plus bas des indications sur cette fonction de « fournisseur » imposée par la Commission européenne à seule fin de « faire jouer la concurrence » : il s’agit en fait d’une fonction de courtier sans le moindre rôle technique qui, compte tenu des spécificités de l’électricité, ne peut qu’être une fonction parasite, sans aucun enjeu de gain de productivité – mais non sans enjeux de profit pour les « fournisseurs » (n’importe qui pouvant être fournisseur).
D’Emmanuel Macron, François Fillon et Marine Le Pen, seule cette dernière a dénoncé ces scandales.
2/- L’éolien n’a pas sa place en France continentale !
Rappelons que, depuis le Livre blanc de la Commission européenne de 1997 (Energie pour l’avenir : les sources d’énergie renouvelable), la justification de l’éolien, ainsi d’ailleurs que des autres énergies renouvelables, était la réduction des émissions de CO2 – ou, ce qui revient à peu près au même, la réduction de la consommation de combustible fossile, ce qui est un objectif peu contestable, la France en étant dépourvue et son utilisation étant, indépendamment des émissions de CO2, source de pollution chimique.
En ce qui concerne la France continentale, il était certain dès le début que l’éolien n’était pas susceptible d’y avoir le moindre intérêt, pour la simple raison que, du fait de l’importance du nucléaire et de l’hydroélectrique, il n’y avait pour ainsi dire pas de thermique à remplacer : la production d’électricité thermique, très faible de toute façon (10% environ), correspondait en majeure partie au minimum incompressible nécessaire pour compenser les fluctuations rapides de la demande d’électricité, ce que ne peut faire le nucléaire, et ne peut faire que partiellement l’hydroélectricité « à lac».
Le gouvernement français aurait donc dû dès le départ afficher que, au moins en ce qui concernait la production d’électricité, la France n’était pas concernée par l’objectif de la réduction des émissions de CO2.
On sait qu’il n’en a rien été, bien au contraire.
En application tout d’abord de la directive 2001/77/CE, puis de la directive 2009/28/CE, il s’est engagé vis-à-vis d’objectifs « ambitieux » de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, avec obligation, pour que ces objectifs soient tenus, de les aider financièrement et que l’électricité ainsi produite soit injectée en priorité sur le réseau. Cela revenait à fixer un objectif de très fort développement pour l’éolien, seule source disposant d’un fort potentiel de croissance. C’est ainsi que, suite à la directive 2009/28/CE, la loi dite « Grenelle I » a fixé en 2009 les objectifs 2020 pour l’éolien à 25 GW de puissance installée, dont 6 GW pour l’éolien marin (la puissance installée en 2009 était 4,5 GW).
Dans le contexte de la France continentale, marqué par l’importance du nucléaire, non seulement l’éolien ne peut rien apporter de significatif vis-à-vis de l’objectif affiché (réduire la consommation des énergies fossiles), mais il va à son encontre. En effet, d’une part, on ne sait pas stocker l’électricité aux échelles concernées, et, d’autre part, l’éolien est très fortement fluctuant non seulement sur le long terme, mais aussi sur le court terme : si une éolienne terrestre produit en moyenne 23% de sa puissance installée, cette production peut en quelques dizaines de minutes varier de 0 à 100%, ou l’inverse. L’éolien ajoute donc la nécessité de compenser les fluctuations de la production d’électricité à celle de suivre les variations de la consommation, ce qui ne peut qu’augmenter l’appel au thermique, dont on a vu qu’il était à peu près réduit au minimum incompressible résultant des variations de la consommation. En fait, on est amené à diminuer le nucléaire pour laisser la place à l’éolien, et le nucléaire supprimé (qui n’aurait pas produit de CO2) est remplacé par un mix d’éolien et de thermique (qui en produit).
Il en résulte aussi que, à moins d’imposer, en la limitant volontairement lorsque le vent souffle, un lissage de la production d’électricité éolienne (mais cela va à l’encontre de la politique actuellement imposée et augmente considérablement le prix de revient du KWh éolien), une puissance installée éolienne doit avoir en face d’elle une puissance installée thermique équivalente prête à prendre le relais : l’éolien est inséparable du thermique.
Le nucléaire supprimé pour réduire de 75% à 50% sa part dans la production totale ne pourrait être remplacé que par un mix thermique + éolien où il y aurait essentiellement du thermique (au maximum 23% d’éolien, en fait plutôt 10%, ainsi que le montre l’exemple du Danemark, qui n’a que du thermique et de l’éolien : cf. (2), annexe 6). Il serait, certes, théoriquement possible de le remplacer par de l’éolien sans thermique, en implantant le nombre d’éoliennes nécessaires et en stockant l’électricité produite dans des barrages construits pour la circonstance. On tombe immédiatement sur des chiffres délirants (cf. (2), annexe 5) : 1 éolienne de 2 MW tous les 300m sur 15000km, et implantation sur 3500km de côtes des lacs salés situés à 50m au-dessus du niveau de la mer, de 1km de large et de 10m de profondeur.
Par un remarquable tour de passe-passe, depuis le Livre blanc de 1997 (20 ans déjà que cela dure…), l’objectif affiché (réduction des émissions de CO2) a en fait été totalement évacué : dès le début il a été remplacé par des objectifs quantitatifs de développement des énergies renouvelables, lesquelles sont donc devenues une fin en soi, indépendamment de leur efficacité réelle, sur la base du postulat inepte (et dont tous les spécialistes savaient depuis le début qu’il était faux) que tout KWh d’énergie renouvelable remplace un KWh thermique.
Evacuée aussi, toute considération de coût.
C’est ainsi que la France, vis-à-vis des objectifs officiels, se retrouve en position d’accusée, alors que sa production d’électricité est presque totalement décarbonée, et que son électricité est parmi les moins chères d’Europe.
Economiquement le bilan est désastreux, sauf pour les producteurs d’électricité éolienne : si cette dernière doit leur être achetée au prix fort (90€ le MWh, le prix de revient étant environ 60€), elle doit ensuite être bradée pour pouvoir être revendue (30€ en moyenne environ), le vent n’ayant aucune raison de se mettre à souffler juste pendant les pics de consommation.
Marcel Boiteux, qui a dirigé EDF pendant plus de 20 ans en qualité de directeur général, puis de président de son conseil d’administration, a ainsi résumé la situation :
« …si le KWh éolien était payé au service rendu – remplacer des KWh nucléaires et, de temps à autre, des KWh pétroliers – les éoliennes appartiendraient encore au secteur des énergies futuristes. Mais le parlement et/ou le gouvernement ont décidé au nom du peuple souverain que le KWh éolien, qui coûte à son fournisseur environ deux fois plus cher qu’il ne rapporte à EDF, serait payé au dit fournisseur trois fois plus cher. »
Il faut ajouter au coût de cette subvention le coût de l’inévitable extension du parc de centrales thermiques et du réseau électrique nécessaire pour réguler des flux d’électricité intermittente devenus gigantesques (en ne considérant que le parc éolien français actuel, c’est la puissance de l’équivalent d’une dizaine de réacteurs nucléaires qui est susceptible d’apparaître ou de disparaître dans un délai de l’ordre de la journée).
Si l’on s’interdit absolument de limiter la production éolienne lorsque le vent souffle, il est en fait devenu impossible d’assurer la sécurité de fonctionnement du réseau, et l’obligation d’injecter sur le réseau toute l’électricité susceptible d’être produite a donc été récemment supprimée, ce qui est une excellente chose. Toutefois le nouveau système de rémunération mis en place (particulièrement complexe) permet de faire en sorte que le propriétaire de l’éolienne ne puisse rien y perdre, et soit en définitive rémunéré pour l’électricité qu’il n’a pas produite.
Que les subventions soient dimensionnées de façon à laisser une marge bénéficiaire particulièrement importante a été depuis le début un élément essentiel du dispositif : cela a permis, tout en laissant aux promoteurs un bénéfice très incitatif, de dégager des sommes très importantes pour la constitution d’un lobby éolien extraordinairement puissant, dont le poids vis-à-vis de la Commission européenne et du gouvernement français n’a cessé d’être considérable, et qui verrouille aujourd’hui tous les grands médias.
C’est le consommateur qui paye ce surcoût, par le canal de la CSPE, alors que la logique aurait voulu que l’aide à l’éolien relève d’une subvention prélevée sur le budget de l’Etat, lequel est financé par l’impôt (c’est la situation de l’Espagne, laquelle est, avec l’Allemagne et le Danemark, l’un des 3 pays pionniers de l’éolien depuis 1990).
Mais elle n’aurait plus été neutre vis-à-vis du budget de l’Etat et de la dette publique, et ce tour de passe-passe a sorti la subvention de l’éolien de l’élaboration du budget (et donc des discussions parlementaires associées), et l’a ainsi mise à l’abri de toute politique d’austérité. L’Espagne, elle, a dû décider en 2012 un moratoire sur toutes les subventions aux énergies renouvelables, ce qui, bien sûr, a stoppé net toute nouvelle installation.
Cette subvention ne peut être justifiée par la promotion des technologies nouvelles : voici bien une ou deux décennies que pour l’éolien plus rien de significatif n’est à attendre du progrès technologique (on est très proche des rendements théoriques), et qu’aucune réduction du coût n’est à espérer du facteur d’échelle : on est depuis longtemps dans la production de masse, la Chine et l’Inde ayant rejoint les fabricants danois, allemand et espagnol.
Comme on l’a vu, les objectifs 2020 pour l’éolien sont 25 GW de puissance installée, dont 6 GW pour l’éolien marin.
En ce qui concerne l’éolien terrestre, la loi Brottes de 2013, par le biais d’amendements introduits subrepticement dans une loi dont ce n’était pas l’objectif annoncé, a supprimé à peu près tout ce qui restait de motifs pouvant justifier que l’on s’oppose à l’implantation d’installations nouvelles, laquelle a un statut d’opération d’intérêt public.
Seul un changement politique majeur pouvait dès lors interdire une très forte accélération du développement de l’éolien, les commandes françaises arrivant, de plus, juste à point nommé pour prendre le relais des commandes espagnoles. Comme le craignait l’auteur dans son analyse de 2014 (1), c’est bien ce qui se produit : de 7,5 GW fin 2012 la puissance installée est passée à 12 GW fin 2016, avec 1,5 GW raccordés au réseau sur la seule année 2016 : à ce rythme l’objectif de 19 GW de puissance installée sera tenu.
En ce qui concerne l’éolien offshore, par contre, pour de multiples raisons, un retard considérable a été pris. Aucun chantier n’a à ce jour démarré, et les 3 sites dont le dossier est le plus avancé, et qui seuls ont une chance d’avoir été connectés au réseau en 2020, ne représentent qu’un peu moins de 1,5 GW de puissance installée : cf. (5), (6), (7), (8).
Cerise sur le gâteau, les fabricants d’éoliennes étant étrangers, et les éoliennes, une fois installées, étant télépilotées de l’étranger, l’éolien est particulièrement pauvre en emplois permanents nationaux, et désastreux pour la balance commerciale.
Pour l’éolien offshore une filière française avait été envisagée, basée sur des technologies d’Areva, mais les activités correspondantes d’Areva ayant été en définitive reprises par Siemens, il en sera probablement de même que pour l’éolien terrestre : cf. (5),(6).
On ne s’étendra pas ici sur les conséquences sur l’environnement et sur les nuisances vis-à-vis des riverains, qui font parfois l’objet d’articles dans la presse locale, et sont largement développées sur d’autres sites.
3/- L’inévitable conflit entre le nucléaire et l’éolien, c’est-à-dire, en l’état actuel de la situation, entre la France et l’UE
Une première source de conflit est évidente : le nucléaire en France rend l’éolien inutile vis-à-vis de l’objectif de diminuer les émissions de CO2. Pour justifier l’éolien, il faut donc supprimer du nucléaire – et masquer le plus longtemps possible à l’opinion publique le fait qu’il ne peut, pour l’essentiel, qu’être remplacé par du thermique.
Il y a incompatibilité entre le maintien d’une production d’électricité essentiellement nucléaire et une injection massive sur le réseau d’électricité intermittente, qu’elle résulte de l’éolien français ou de surplus des pays voisins, en l’occurrence l’Allemagne et l’Espagne.
Comme on l’a vu, c’est essentiellement du nucléaire qui est remplacé, ce qui diminue le taux d’utilisation (puissance moyenne produite/puissance installée) des centrales nucléaires, et donc leur rentabilité.
Par ailleurs, les surproductions d’électricité subventionnée effondrent le prix de vente de l’électricité – et diminuent donc aussi la rentabilité des autres moyens de production, dont le nucléaire est en France le principal.
Signalons qu’il y a en outre conflit entre les sources intermittentes et le nucléaire (auquel se joint l’hydraulique « au fil de l’eau ») pour l’utilisation de STEP (« Station de transfert d’énergie par turbinage et pompage »), qui sont les seuls moyens actuels de stocker l’électricité à grande échelle (stockage de l’électricité produite aux heures creuses, et réutilisation aux heures de pointe), et dont les possibilités d’implantation sont limitées. Les dédier aux sources intermittentes, dont le coût de production est beaucoup plus élevé, est économiquement aberrant.
Il est utile de comparer les chiffres suivants, pour prendre conscience de l’énormité des quantités d’électricité intermittentes susceptibles d’être déversées :
– au rythme actuel, en 2020 les puissances installées éoliennes allemande et française devraient être d’environ 60 GW et 20 GW, les puissances délivrées pouvant fluctuer entre quelques % et 80 à 90% de ces chiffres ; les puissances moyennes délivrées sont d’environ 20% des puissances installées, soit 12 GW et 4 GW ;
– les puissances consommées moyennes sont d’environ 55 GW pour les 2 pays ;
– la puissance installée nucléaire française est de 63 GW, pour une puissance délivrée moyenne qui a été de 47,5 GW en 2015.
Une éviction très significative du nucléaire par un mix thermique+intermittent est inévitable, sauf à revenir sur la politique de l’UE qui donne la priorité à l’utilisation de l’intermittent.
On aurait donc tort de penser que l’objectif d’une réduction à 50% de la part du nucléaire en 2025 (soit une réduction d’environ 15 GW de la puissance moyenne délivrée) résulte uniquement de considérations idéologiques : il y a derrière cela l’incompatibilité de l’éolien et du nucléaire, et le rapport de force actuel entre les intérêts associés, lequel n’est pas en faveur de ceux de la France. Il se trouve que la politique de l’Allemagne vis-à-vis des énergies renouvelables (développement massif subventionné et priorité à leur utilisation, conjointement à sa décision unilatérale de sortir du nucléaire) est aussi celle préconisée par l’UE à l’échelle européenne, par des directives que les gouvernements français n’ont jamais contestées. La suppression d’une partie du nucléaire français ouvrirait en outre des perspectives de commandes intéressantes pour les fabricants de centrales thermiques.
Pour le moment, rien n’est réellement joué. Jean-Bernard Lévy, PDG d’EDF, a provisionné dans les comptes d’EDF la prolongation à 60 ans de la durée de vie des centrales nucléaires, gage du maintien pour quelques décennies supplémentaires de la situation privilégiée de la France dans le domaine de l’électricité.
Il est évident que joueront un rôle décisif la volonté et la capacité réelle du pouvoir politique issu des prochaines élections à faire triompher l’intérêt national.
4/- Au-delà de la situation de la France, caractérisée par l’importance du nucléaire, quel est l’intérêt de l’éolien ?
Le coût de revient de l’éolien terrestre en l’absence de toute limitation de la production (estimé entre 60 et 90€ le MWh) est en soi compétitif avec celui du thermique, le problème étant évidemment qu’il n’y a aucune raison que le vent souffle lorsqu’on en a besoin, que, sauf situation géographique particulière, on ne sait pas stocker l’électricité aux échelles concernées, et qu’il faut de toute façon du thermique pour réguler les fluctuations de l’éolien. D’où les domaines d’intérêt de l’éolien industriel :
- Proximité de barrages équipés en STEP : l’électricité dont on n’a pas l’usage est utilisée pour remonter l’eau d’un barrage aval à un barrage amont. A ce jour (et cela ne semble pas susceptible d’évoluer dans les décennies à venir), cette technique est la seule à répondre à la double nécessité d’avoir un bon rendement et de permettre d’importantes capacités de stockage. Elle nécessite toutefois assez rapidement des volumes d’eau et/ou des dénivelés importants, ce qui limite très fortement les possibilités d’implantation ;
- L’existence d’un parc thermique important, ce qui permet, si en outre les réseaux électriques ont été correctement surdimensionnés, de réguler sans problème majeur les fluctuations de l’éolien. Notons tout de même que, dans ce « mix » éolien-thermique, on se retrouve surtout avec du thermique (90% au Danemark, qui est un des champions de l’éolien et n’a par ailleurs que du thermique : cf. (2), annexe 6).
Au regard des gigantesques productions d’électricité thermiques de la Chine et de l’Inde, leurs très importantes productions d’électricité éoliennes sont probablement économiquement rentables (d’autant que ces pays sont leurs propres fabricants d’éoliennes).
L’éolien offshore, avec des coûts de revient d’au moins 140€ le MWh, ne sera sans doute jamais économiquement compétitif.
En ce qui concerne l’Europe occidentale, rien ne permet de justifier les délirantes capacités d’ores et déjà installées, tout particulièrement en Allemagne (50 GW fin 2016, qui augmente actuellement de 5 GW par an) et en Espagne (23 GW, ce chiffre étant toutefois bloqué depuis 2012).
Les possibilités d’équipement en STEP de barrages ont déjà été largement exploitées et elles sont en outre déjà très utilisées par le nucléaire et l’hydraulique « au fil de l’eau ».
« L’effet de foisonnement » souvent évoqué pour justifier l’éolien malgré son intermittence relève du simple bobard : le vent étant supposé souffler toujours quelque part en Europe, il suffirait, par un développement des réseaux, de globaliser la production pour obtenir le lissage nécessaire. En fait, l’exploitation des enregistrements des productions éoliennes (rapport Floccard) a montré qu’il n’en était rien (cf. (2), annexe 3).
L’ordre de grandeur des gains que l’on peut espérer de l’utilisation de « réseaux intelligents » (les « smart grids »), qui permettraient, dans une certaine mesure, d’adapter la consommation à la production, n’est pas du tout à la hauteur de ce qui serait nécessaire.
5/- La notion de « fournisseur d’électricité »
Elle a été imposée par la Commission européenne dans la segmentation des tâches définie pour « faire jouer la concurrence ». Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le « fournisseur » ne fournit rien du tout et n’intervient physiquement en rien dans la production et le transport de l’électricité. Il ne pose même pas le compteur en bout de ligne. Il s’agit d’un simple courtier, qui achète de l’électricité aux « producteurs » et facture au client final l’électricité qu’il consomme, dont l’origine est indépendante du fournisseur retenu. Un « fournisseur » peut être aussi « producteur » (c’est le cas d’EDF). Mais cela peut être aussi n’importe qui.
Le dogme de base est que l’organisation optimum de la production d’électricité (dont l’orientation des investissements à effectuer) est réputée résulter de la mise en concurrence par le client final des « fournisseurs », puis de la mise en concurrence par ces derniers des « producteurs ».
On est évidemment dans le surréalisme le plus total.
Relevons tout d’abord qu’à l’évidence l’injection massive d’énergie subventionnée en dehors de toute logique économique interdit toute possibilité d’optimisation par le marché.
Et puis, fondamentalement, seule une organisation fortement centralisée permet de répondre aux caractéristiques très particulières de la production et du transport de l’électricité : l’absolue nécessité d’être en mesure d’équilibrer à tout instant production et consommation sur un territoire donné, et cela à partir de moyens de production très différents au plan technique, économique et capitalistique, et dont il faut tenir compte au mieux des spécificités et des complémentarités. C’est une telle organisation centralisée qui, dans les quarante années qui ont suivi la seconde guerre mondiale, a permis à la France de disposer d’un outil tout à fait remarquable.
Bien sûr, la concurrence existait déjà auparavant, et sous une forme beaucoup plus directe et efficace. Dans l’ancien système EDF, qui vendait lui-même au client final l’électricité qu’il lui distribuait physiquement, avait évidemment le souci qu’elle soit produite au meilleur coût, et mettait en concurrence les différents moyens de production, qu’ils lui appartiennent ou pas.
La fonction de « fournisseur » est donc une fonction totalement parasite, qui embrouille le fonctionnement du secteur de l’électricité, le rendant incompréhensible pour le commun des mortels.
Si aucun enjeu d’optimisation technique ne peut lui être attaché (bien au contraire), il n’en est pas de même des enjeux de profit pour les fournisseurs, et on comprend l’intérêt qu’il y a à obtenir, sur le tapis vert, que l’électricité nucléaire, qui constitue l’essentiel de l’électricité délivrée à leurs clients, leur soit vendue par EDF au prix le plus bas possible.
Fixé par l’Etat, ce prix est évidemment l’objet d’âpres discussions. Il est actuellement de 42€ le MWh (les fournisseurs réclament 35€).
6/- Références
(1) L’arnaque de l’éolien : le pillage de la France – Synthèse
(2) L’arnaque de l’éolien: le pillage de la France-Dossier.
(3) Les 144 engagements présidentiels de Marine Le Pen
(4) Programme présidentiel de François Fillon (pour les primaires de la droite)
(5) http://www.lefigaro.fr/societes/2016/03/19/20005-20160319ARTFIG00066-eolien-offshore-l-avenir-de-la-filiere-francaise en-question.php
(6) http://www.ifrap.org/agriculture-et-energie/eolien-marin-francais-les-nouveaux-ateliers-nationaux
(7) http://e-rse.net/leolien-offshore-monte-en-puissance-19419/#gs.8Y0OORo
(8) http://www.ouest-france.fr/economie/energie/energie-eolienne/eolien-offshore-des-recours-en-justice-pour-bloquer-les-futurs-parcs-francais-4566906
(9) https://en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme/environnement-et-transition-ecologique
(10) https://www.les-crises.fr/la-privatisation-des-barrages-cest-la-paix/
(11) L’euro : vers la dictature? (1re partie)
J. d’Antraigues
4/04/2017
Correspondance Polémia – 6/04/2017
Image : Moulin à vent restauré et éoliennes dans la Beauce.